
Lettre à Giotto
« Le don du manteau »
Voici près d’un demi-siècle que votre peinture me donne une lecture du monde moins complexe et plus colorée, équation qui pourrait se résoudre à travers le mot joie. « Le don du manteau » fut ma première rencontre avec la peinture. C’était au Petit Séminaire de Sainte-Anne-d’Auray ; j’y étais interne. À l’exemple de saint Martin, saint François d’Assise donne son manteau à un déshérité.
L’arrière-plan montre la croisée de deux plaines en forme de X (une inconnue). J’y ai souvent vu une faille ; un mystère des profondeurs souterraines, résultat de la conjonction d’un espace temporel et d’un espace spirituel. Ce mysterium conjunctionis est le motif premier de ma perception du monde. Il y a des pauvres et des riches ; des petits et des grands ; du froid et du chaud ; du noir et du blanc; etc. L’alternative contraint souvent l’homme aux pires abominations. Pas de OU mais du ET. La rencontre des différences est le parangon d’une vertu théologale, l’amour.
C’est la leçon que vous m’avez enseigné dans votre peinture « Le don du manteau ». L’image s’est cristallisée en mon intériorité. Ma pensée de l’image voyage vers des espaces infinis et sensibles de la spiritualité franciscaine. La « joie de vivre » était le manteau dont m’affublaient certains de mes camarades. Aujourd’hui, je suis un « enfant aux cheveux gris » recouvert d’un manteau couleur bleu.
Je trouve étrange d’associer une couleur à un patronyme : le bleu Klein, le brun Guillevic, le bleu Giotto. Oui, vous avez votre bleu ! Des peintres se font une gloire d’avoir percé le secret de votre bleu céleste. Pourquoi secret ? Principe dramaturgique colporté par l’industrie de l’art. Il suffit de lire quelques auteurs spécialisés : Vasari, Itten, Doerner… Et de sentir la couleur !
Avec toute ma reconnaissance
